• logo

Elena Bleicher : "L’esprit des ballos est incroyablement formateur"

26 OCT. 2022par Romain Vinot

Passionnée de tennis, Elena Bleicher (21 ans) a eu l’opportunité d’exercer ses talents de ramasseuse de balles dans trois Grands Chelems différents. Après Roland-Garros (de 2014 à 2017 puis dans l’équipe d’encadrement en 2018, 2021 et 2022) et l’Open d’Australie (2016), elle a participé à la dernière édition de l’US Open (2022). Elle est revenue pour nous sur ces différentes expériences et encourage vivement les filles passionnées à rejoindre l'aventure.


Elena, peux-tu nous détailler ton CV de ramasseuse de balles ?

Oui, j’ai commencé aux Internationaux de Strasbourg en 2012 et 2013 avant de faire Roland-Garros et le Rolex Paris Masters de 2014 à 2017. En 2016, j’ai également fait l’Open d’Australie et la finale de la Billie Jean King Cup. Enfin, j’ai été ramasseuse lors de la finale de la Coupe Davis 2017 et très récemment à l’occasion de l’US Open 2022.

Comment as-tu été sélectionnée pour l’Open d’Australie et comment s’est passée ton aventure sur place ?

Après la finale de Roland-Garros 2015, les évaluateurs ont sélectionné une fille et un garçon parmi les 18 ramasseurs pour représenter les ballos à l’Open d’Australie. En janvier 2016, nous sommes arrivés au cours de la semaine de qualifications accompagnés par deux encadrants et nous sommes restés jusqu’à la fin du tournoi. Les règles de ramassage sont légèrement différentes de celles de Roland-Garros mais on s’adapte rapidement. Par exemple, il n’y a pas d’équilibrage en fond de court pour éviter les « roulés à la caméra » et c’est le filet (ma position la majeure partie du temps) qui doit ajuster et équilibrer en fonction du nombre de balles que détient le fond de court. 

Après une heure de rotation, il y avait parfois un débrief avec un évaluateur puis une heure de pause. Nous avons eu la chance d’avoir des jours off pour visiter Melbourne, faire du shopping, caresser des kangourous et manger des spécialités australiennes… On a vécu trois semaines incroyables et j’en garde un excellent souvenir !

En septembre 2022 – cinq ans après ton dernier Roland-Garros en tant que ramasseuse – tu as fait l’US Open. Comment as-tu réussi à intégrer l’équipe ?

Il faut savoir qu’à New York, les ramasseurs ont pour la plupart entre 20 et 35 ans. Pour ma dernière année en bachelor « sport business » dans une université du Texas (dans laquelle j’ai intégré l’équipe de tennis), je devais trouver un stage et j’ai postulé pour travailler au département des services aux joueurs à l’US Open. Il se trouve que Tiahnne Noble – la Ball Persons Director du tournoi – connaissait mon niveau de ramassage de l’Open d’Australie 2016 et m’a proposé d’intégrer l’équipe des ramasseurs de cette édition 2022. C’est une proposition que je ne pouvais pas refuser ! J’ai été prise sans devoir participer aux sélections et je suis arrivée quelques jours avant le début du tournoi pour visiter la ville et être présente aux training sessions.

Est-ce qu’il y a des différences majeures entre les méthodes de ramassage à Roland-Garros et à l’US Open ?

Oui, les règles sur le court sont vraiment différentes ! Sur les courts principaux, il y a six ramasseurs comme à RG ou à l’Open d’Australie mais sur les annexes, il n’y a qu’un ramasseur au filet et trois en fond de court. La journée démarre par un brief durant lequel les évaluateurs font un point sur les erreurs de ramassage des jours précédents. Ensuite, on part sur le court avec son équipe et on passe 1h30 sur le terrain puis 1h30 en repos ce qui peut paraître long, notamment lorsqu’on est au filet sur un court annexe. Mais il y a un roulement entre les positions et avoir 1h30 de repos permet de manger tranquillement ou de regarder d’autres matchs dans le stade. 

Concernant les évaluations, il y a une dizaine d’encadrants avec nous mais durant les trois semaines, j’ai rarement eu un débrief après une rotation. Je pense qu’on peut dire que les entraînements moins poussés et la sélection moins pointue engendrent un niveau plus faible sur les courts. Mais il faut rappeler que les ramasseurs sont plus âgés, qu’ils travaillent pour un salaire et que l’ambiance dans les équipes est différente. Par contre, en tant qu’adultes, nous avions plus de liberté pour nous rendre sur n’importe quel court entre nos rotations ou en fin de journée lorsque les matchs sur notre terrain étaient terminés.

Tu évoquais les sélections pour l’US Open, quels prérequis faut-il pour y participer ?

Déjà, il faut avoir un visa de travail (difficile à obtenir) ou dans mon cas, un visa étudiant avec une dérogation pour effectuer un stage. Il n’y a pas de limite d’âge mais de 14 à 18 ans, la journée de ramassage est limitée à six heures. Le ramasseur le plus âgé a plus de 60 ans et cela fait des années qu’il participe au tournoi ! Pour postuler, il ne faut pas forcément pratiquer le tennis, il suffit d’envoyer un CV afin de recevoir un questionnaire sur le fonctionnement du score dans la discipline. Les personnes présélectionnées participent à une sélection – évaluation durant laquelle elles doivent réussir un certain nombre d’exercices.

Que retiens-tu de cette expérience et quel est ton meilleur souvenir sur le court ?

Sur le plan tennistique, j’ai eu la chance de ramasser sur de nombreux matchs, notamment lors du premier tour de Serena Williams contre Danka Kovinic ou encore pour sa dernière rencontre face à Ajla Tomljanovic. J’ai également ramassé à l’occasion de la finale dames entre Iga Swiatek et Ons Jabeur ! Et puis, j’étais aussi sur le court lors de l’incroyable quart de finale entre Carlos Alcaraz et Jannick Sinner. Nous avons terminé à 2h50 du matin (record dans l’histoire du tournoi) et l’ambiance était phénoménale jusqu’à la fin. Durant cette rencontre, j’ai réussi un catch qui m’a valu des applaudissements et des demandes de selfies les jours suivants dans les allées du stade !

Plus généralement, faire cet US Open m’a permis d’en savoir plus sur les coulisses d’un événement sportif. Les protocoles ont changé depuis la pandémie de Covid-19 et la directrice des ramasseurs a pris le temps de me décrire son travail, son emploi du temps, la gestion du budget, des 290 ramasseurs, le choix des uniformes etc. J’ai vécu une expérience très formatrice et enrichissante.

Pour finir, que dirais-tu à toutes les jeunes filles qui rêvent d’être ramasseuse de balles à Roland-Garros ?

Si j’avais en face de moi une fille passionnée de tennis et qui rêve d’être sur le terrain auprès des joueurs, je lui dirais « Fonce et inscris-toi aux sélections ! Tu vivras des moments inoubliables, tu feras ton maximum avec envie et plaisir, et tu sortiras de cette expérience grandie. Tu feras alors partie des ballos, et tu pourras dire haut et fort : ramasseur un jour, ramasseur toujours ! ». Personnellement, je suis devenue ramasseuse grâce aux sélections locales auxquelles trop peu de filles participent. Depuis, j’ai vécu des aventures extraordinaires, j’ai côtoyé mes idoles et j’ai rencontré des amis et des personnes qui m’ont ouvert de nouvelles portes. Être ramasseuse à Roland-Garros, ce n’est pas simplement courir après des balles, c’est faire partie de l’univers des ballos, dont l’esprit est incroyablement formateur. Donc, encore une fois, il ne faut pas hésiter à rejoindre le rang des filles dans l’équipe des ballos pour vivre à fond sa passion !

# we_are_ballos

contenus similaires

Road to RG

@RGBALLOS